LP - Anhedonia par LORD AGHEROS

LP -  Anhedonia par LORD AGHEROS

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LORD AGHEROS - Anhedonia LP 2025

Le groupe se forme en 1999... ah, on me dit dans l'oreillette que groupe, il n'y a pas, il s'agit d'un one man band. LORD AGHEROS, alias Gerassimos Evangelou, ni lord anglais, ni grec, vient de Sicile, si si!
Bien que certaines personnes sensibles puissent le croire un peu malade, Agheros, aguerri, se fait du bien avec du black metal, depuis 2007, tout seul dans sa cabane-studio. On peut le rapprocher de Ulver ou Moonspell voir Ihnsahn, qu'on apprécie, avec des moments de douceur autant que de violence et de grands écarts qui font mal.

Et histoire de développer un peu plus sa mélancolie chronique, il bourgeonne aussi avec le premier album de ETERNAL WHITE TREES, en trio, genre j'aime bien Katatonia et Swallow the Sun (Félicie et moi aussi!)

Quant à son 7è album solo, il te prend aux tripes et te les tord ensuite (un peu comme les 6 précédents d'ailleurs). Effectivement, l'anhédonie désigne la perte de capacité à ressentir le plaisir, et par là même, constitue le symptôme central de la dépression. Voilà, un p'tit coup de plombage dans le contexte jovial actuel, ça ne fait jamais de mal! Quant t'atteins le fond, t'as une chance de rebondir (si pas vaseux). Il n'empêche, cette musique bouleverse et ce n'est pas tout...

Chaque oeuvre de Lord Agheros équivaut à un sceau (à ne pas confondre avec la tête dans le seau!). L'artwork, magnifique, en sublime l'aura mystique. Il s'agit d'une peinture d'une belle femme-plante dont le corps, et en particulier les cheveux, fusionne avec branches, bourgeons et fleurs. Un entité qui symbolise la beauté, autant que la tristesse et l'abandon. Tout ce qu'on retrouve dans ce médaillon sonore.

On peut imaginer "Lament of the lost" à l'accueil, au porche d'une église, où l'on entend un brouillard de voix angéliques, descendues du ciel qui se démultiplient en fines couches. Un ensorcellement nous entraine alors dans une boucle de boite à musique. Les 2 trames s'accompagnent harmonieusement. Puis un tambour, enrobé d'une strate grave, vient donner un air de rituel à la nouvelle voix féminine en incantations. Alors des cordes de violoncelles, au son de vouvouzela, soulèvent un rideau pour laisser entrer une voix gutturale enragée, le long de guitares élevées en parpaings. La batterie marque un tempo lourd. L'attaque sidère brièvement avant le retour des anges.

Un piano prolonge, élégamment, la mélodie finissante de la boite à musique et diffuse une mélancolie, bientôt accentuée par une chorale enfantine. Les guitares viennent soudain trancher dans le vif, attirant de nouveau des vocaux death, superbement sublimés par la chorale pour basculer du côté obscur. Après un break suspendu aux touches de piano, la présence de la batterie s'épaissit, passant violemment à de tempétueux blast-beats. Cette alternance, à couper le souffle, demeure une grande réussite malgré ce grand écart douloureux. "Harmony of Despair" manie merveilleusement la rage et le désespoir.

L'intro de 'Eclipse of Hope' résonne au son d'une guitare électro-acoustique dont les légers arpèges, ciselés, saisissent dans une ambiance glaciale. Batterie et envolées de violons viennent bercer le rythme soudain explosé aux blast-beats, crash et autres growls en bout de corde pour se pendre. On te laisse reprendre ton souffle mais c'est pour mieux te le couper même si cet incroyable morceau s'achève sur de douces notes égrenées.

Des chœurs, graves et caverneux, autant inspirés par le chant mongol que grégorien, font le ciment de 'Lost Dreams Ritual'. Une voix féminine inintelligible, semblant enregistrée à l'envers, y trace un sillon rituel. Les percussions augmentent l'effet tribal. Une vraie batterie donne ensuite le top départ à une guitare, sous accordée, déchirée par un chant saturé.

L'approche d'un riff tragique lance 'Sorrow’s Shroud', rejoint ensuite par une batterie claquante et une basse orageuse qui maintiennent un rythme au trot. Le chant distordu semble cracher une langue de serpent diabolique. Un pont central limite l'instrumentation à une guitare acoustique, une brume de claviers et un instrument à vent orientalisant. Un peu après la reprise, un chœur symphonique soutient les hurlements râpeux.

Une suite de notes au piano annonce l'arrivée d'une voix de cantatrice. Plus loin, des sanglots de violons accentuent l'ambiance funèbre de "Soul’s Descent into the Void", bien marqué à la batterie. L'arrivée de guitares électriques ne dément pas l'atmosphère macabre. Elles virent en saccades et, dans l'élan, se mettent à tronçonner, alors que la voix de bête se mêle à celle de la diva.

Notes de piano essaimées et accords de guitare acoustique, enrobés par une basse courtoise, développent une impression de voyage que la batterie vient cadencer plus tard. "Tears in the Silence", instrumental, maintient une émotion forte, bientôt illuminée par l'éclair de la guitare électrique et les vocalises féminines qui se greffent, figeant cet instant foudroyant!

Des murmures menaçants, enveloppés d'un chorus de gorges, s'arrêtent lorsqu'un instrument, soufflé, intervient formant une sorte d'ambient ethnique. Suivent des accents plaintifs, marqués aux percussions fouettées. "Ancient Echoes" insiste sur des tons orientaux mêlant tambours, chants grognements et cordes gravement tendues.

Ce disque brasse des héritages chamaniques grecs, arabes, orientaux et même nordiques dans une harmonie étonnante.
Les arrangements, soignés, mêlant puissance opératique et violence black metal, impactent fortement notre perception et parviennent à nous hypnotiser jusqu'à l'émotion.
Impossible de s'en détacher et pour toutes ces raisons, cet album s'approche du Graal!

TRACKLIST
1. Lament of the Lost 6:30
2. Harmony of Despair 3:46
3. Eclipse of Hope 4:34
4. Lost Dreams Ritual 5:02
5. Sorrow’s Shroud 5:50
6. Soul’s Descent into the Void 4:44
7. Tears in the Silence 5:12
8. Ancient Echoes 4:13
Gerassimos Evangelou – vocals, all instruments
artwork created by Federico De Luca